Les années 1990 ont vu s'enchaîner la sacralisation d'ensemble d'une nouvelle presse africaine - se débarrassant peu à peu des tutelles gouvernementales - puis sa condamnation générale. Les journalistes africains furent brièvement tenus pour les héroïques combattants d'une démocratisation appelée, dès ses premiers balbutiements, à arbitrer d'innombrables compétitions trop longtemps masquées par la chape de plomb des autoritarismes. La barre étant trop haut placée, il devint rapidement de meilleur ton d'assimiler, toujours en bloc, ces mêmes journalistes à des agents des pires dérives : ici des génocides militants - au Rwanda en tout cas -, là des irresponsables jetant de l'huile sur le feu des conflits sans même sans rendre compte. A y regarder d'un peu près, les généralisations sont bien sûr trompeuses. Mais jusqu'à présent, les tentatives de comprendre l'implication variable des médias dans ces grandes dynamiques contemporaines - transitions politiques et conflits - se sont focalisées sur l'inépuisable débat du journalisme partisan - est-il légitime pour un journaliste de s'engager, et pour quelles causes ? - quand elles n'ont pas érigé en dogme de simples hypothèses : la prédisposition à servir des projets criminels varierait en raison proportionnelle des carences professionnelles des journalistes et de la précarité économique des entreprises de Presse. A partir des exemples de l'Algérie, du Burundi, du Rwanda, de l'Ouganda, du Niger, du Nigeria, du Liberia, de la Sierra Leone, du Sénégal et de la Guinée-Bissau, ce livre rappelle que les journalistes ne sont ni en deçà ni au-dessus de leurs sociétés et que leurs engagements, partisans ou réconciliateurs, quand celles-ci se déchirent, sont bien une affaire de choix. S'y ajoute que le simple droit de couvrir les conflits reste, dans une majorité de ras, à conquérir : l'accès à l'information factuelle et les enjeux liés à son traitement n'en sont que plus déterminants.