Pilote sur la ligne Toulouse-Dakar, Jacques Bernis - comme le narrateur - a trouvé dans le monde de l’aviation postale un milieu dur, net, précis, qui le sauve de l’inquiétude et le défend contre le sentiment de sa fragilité. Les livres ne lui ont appris «aucun secret qui le protégeât de la mort». Son métier le contraint à réduire la part de l’intelligence à des «pensées rudimentaires, à des pensées qui dirigent l’action». Sa participation à une œuvre collective, la conscience de sa responsabilité donnent un sens à sa vie. Mais l’avion fait de lui un nomade alors qu’il souhaite enracinement et permanence. Usager des chambres d’hôtels, il rêve d’habiter. Geneviève, elle, habite. Entourée de murs épais, d’objets que leur qualité protège du temps, liée par une mystérieuse complicité aux êtres et aux choses, Geneviève, l’amie de son enfance, peut seule orienter l’existence errante de Bernis. De passage à Paris, il la retrouve mariée à un individu nul et prétentieux, Herlin, mais toujours défendue et en paix dans son royaume. Mais peut-on recommencer sa vie ? Chacun à sa manière, Geneviève et Jacques sont condamnés. Roman tragique où, en filigrane, Saint-Ex écrit l’épopée de l’Aéropostale : Toulouse, Barcelone, Alicante, Casablanca, Agadir, Cap Juby…
La conduite parallèle de deux aventures: à partir du carnet de bord de Jacques Bernis, pilote sur les lignes Latécoère, celle du courrier destiné à l'Amérique du Sud et qui passe par l'Espagne, le Maroc, la Mauritanie et Dakar où il prend encore le bateau; et celle, condamnée à terme par l'existence que mène un pilote au début du siècle, de l'amour que partagent un moment Jacques Bernis et Geneviève. Ce roman tiré de la nouvelle L'aviateur parue en 1926 sera adapté au cinéma en 1936 par Pierre Billon.
C'est à Cap Juby, où il est chef d'aéroplace pour la compagnie Aéropostale Latécoère, qu'entre octobre 1927 et mars 1929 Saint-Exupéry va concevoir cet ouvrage. Sa rencontre pendant ce séjour avec les chefs maures et le Sahara jouera un rôle majeur dans l'écriture du Petit Prince et de Citadelle.
Antoine de Saint-Exupéry est né à Lyon, le 29 juin 1900. Il passe ses vacances d'été au château de Saint Maurice-de-Remens (Ain), qu'il évoquera dans toute son œuvre. Le baptême de l'air qu'il reçoit fin juillet 1912 sur l'aérodrome d'Ambérieu-en-Bugey décidera de sa vocation de pilote. Il fait ses études au collège Sainte-Croix au Mans, puis en Suisse, et enfin à Paris où il échoue au concours d'entrée de Navale et de Centrale : il décide alors de suivre les cours de l'École des Beaux-Arts.En 1921, il fait son service militaire à Strasbourg, dans l'armée de l'air. Il apprend à piloter, et dès lors, sa carrière est tracée. Au sortir de l'armée, en 1923, il fait différents métiers. Il publie en 1926 son premier récit, dont l'action se situe dans le monde de l'aviation. La même année, Antoine de Saint-Exupéry entre comme pilote chez Latécoère, société d'aviation qui assure le transport du courrier de Toulouse à Dakar. Puis il est nommé chef d'escale de Cap Juby, dans le sud marocain, C'est à cette époque qu'il écrit Courrier Sud (1929). En compagnie de Mermoz et Guillaumet, il part pour Buenos Aires comme directeur de la compagnie Aeroposta Argentina. À son retour à Paris en 1931, il publie «Vol de nuit» (prix Femina 1931), dont le succès est considérable. En liquidation judiciaire, la société qui l'emploie doit fermer. Attaché à Air France en 1935, Antoine de Saint-Exupéry essaie de battre le record Paris-Saigon : son avion s'écrase dans le désert. En 1938, il tente de relier New York à la Terre de Feu : blessé au cours de sa tentative, il passe une longue convalescence à New York. Il publie alors «Terre des hommes», grand prix du roman de l'Académie française et National Book Award aux Etats-Unis (1939). Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il est pilote de reconnaissance au groupe 2/33 (1939-1940), puis se fixe à New York. Il tire de son expérience de guerre «Pilote de guerre» (1942) et publie «Lettre à un otage», puis «Le Petit Prince» (1943), son grand succès. Il gagne alors l'Afrique du Nord et réintègre le groupe 2/33 malgré de nombreuses blessures et l'interdiction de voler. Cependant, Saint-Exupéry insiste pour obtenir des missions : le 31 juillet 1944, il s'envole de Borgo, en Corse. Il ne reviendra jamais.