«Lorsque j'ai demandé au cher Claude Aveline pourquoi il avait composé un livre pour les enfants, il a eu son bon sourire : "– Je l'ai composé parce que..." m'a-t-il dit. Et rien de plus!... Aveline est un artiste aussi discret que sensible. Mais j'avais compris : je voyais très bien comment cela s'était passé. Un matin, Aveline, quelque grave sujet en tête, s'installe à sa table de travail. Il écrit : "Au village d'Ampa Slata, dans la palmeraie, Baba Touré poussa le cri de ralliement, quelque chose comme 'Houlou houloulou'." Aveline se relit. "– Tiens, tiens!..." Il est intrigué. Ce n'était pas cela qu'il avait l'intention d'écrire. Qu'est-ce que c'est qu'Ampa Slata, et Baba Touré? Il ne le sait pas, – mais il a envie de le savoir. Il se remet à écrire. Il a l'impression que ce n'est pas lui qui écrit. Et, de fait, ce n'est pas lui!
"Chaque homme, a-t-il dit dans ce livre émouvant : Le prisonnier, est marqué pour toujours par son enfance." L'enfance de Claude Aveline, je l'imagine secrète, méditative, et toute colorée des histoires merveilleuses que le petit garçon se contait à lui-même. Eh bien, voici qu'aujourd'hui, comme jadis, le petit garçon Claude raconte à Claude Aveline, l'homme, une histoire : la jolie histoire de Baba Diène et de Morceau-de-Sucre...
Cela se passe au pays bon enfant du soleil, où il ya des fruits incroyables, et où rien n'est plus naturel que le merveilleux. Un jour, Baba Diène, "le plus charmant des petits nègres", trouve un petit enfant blanc tombé du ciel. lls deviennent tout de suite de grands amis. Mais, à cause de M. le Directeur, il leur arrive mille aventures surprenantes. Jusqu'à ce que la découverte de la bouteille de M. le Président, qui est un grand savant, vienne édaircir le mystère. Ensuite, tout le monde se rend joyeusement à Paris, dans la voiture traînée par le mulet Téléphone. Voilà! C'est fini!
C'est très drôle. Et c'est ravissant. Claude Aveline a su retrouver avec un tel bonheur le ton, à la fois doucement ironique et profondément convaincu, du folklore africain, que l'on croit lire une authentique légende nègre. Cela a la qualité des histoires que le grand Kipling écrivit pour "Mieux Aimée". Tous les petits enfants accompagneront, la main dans la main et cœur à cœur, au long de leur extraordinaire équipée, Baba Diène et Morceau-de-Sucre, "tout petits dans la grande nuit qui couvre le monde". Ils les aimeront comme ils s'aimaient entre eux. Et, sûrement, ils comprendront le sens profond du conte, – à savoir que ces histoires de races, vous savez bien : la blanche, la jaune, la noire, la rouge : tout cela, c'est bonnet blanc et blanc bonnet ; les hommes sont frères... [...]»
Pierre Véry.